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Gênée depuis quelques temps dans sa vision, Elle s’était décidée à consulter. Les crises de conjonctivite aiguës résolues, on lui décela dans l’œil, un intrus non identifié, un squatter mou, un corps flottant. Sans gravité, ni conséquence redoutable, mais gênant à certaines époques, Elle s’en accommodait.

 

 

 

Il existe dans le visible, des frontières indécentes plus dures à parcourir que les soporifiques landes de nos méconnaissances. J’entrevois des lisières sans air, poisseuses, sans envols, dans lesquelles on s’émeut à esthétiser les cris du supplicié. Je n’ai pas envie de connaître ceux qui s’y aventurent. Je n’ai jamais voulu voir leurs souvenirs d’ailleurs. Je ne peux ni envisager, ni comprendre sans doute, leur être de motivation. Avec au bout des bras, la délicate et rare charge du sens, admettre est encore plus ardu. La biologique nous permet d’assimiler des informations de toute sorte, mais ne nous a pas autorisés en état de conscience, semble-t-il, à supprimer certains de nos fichiers volumineux et pesants. Il subsiste dans mon dossier images, des choses. Des formes rectangulaires contenant et déversant sur moi, une lumière noire, insondable. Ces inconvenantes, ces impolies s’obstinent malgré mes efforts. Il y a assurément dans mes fonctions, un programme installé de longue date, qui m’empêchera d’oublier.

 

L’intensité dramatique est-elle à son comble quand le bras quitte le tronc?

De combien le cours grimpe-t-il à la diffusion de l’écartèlement ? *

 

Comme quelque trotteur dans la courbe, nous avançons sur un rythme imposé, la vision autorisée vers des sillons connus du driver. L’ultradémagocratie réfléchit pour nous, nous cache ce sein que nous ne savons plus voir. Elle nous considère toutefois suffisamment adultes, pour tantôt nous faire constater de visu l’intérêt d’une guerre, d’une répression préventive, d’un désœuvrement forcé, tantôt nous laisser adhérer à l’infantilisation consumériste organisée.

Trop égratigné par ces scories du réel, certains ont tendance à fuir. La chair légère du non-dit s’étiole alors dans les sueurs opaques et les éclairs des stroboscopes. Détourner le regard, puis, placer son attention sur ces vues qui ne se veulent ni moments de vérité, ni comptes rendus, sont des choix possibles. Une échappatoire consiste à se définir et à agir en tant que facteur d’images. Consécutivement, l’engagement, la responsabilité se situent dans l’essence de nos choix et de nos propositions. Face au heurt permanent, nous pouvons élaborer de la lumière qui nous chuchote... de l’impression, de la couleur qui nous murmure... de l’émotion.

Le regard qui interroge et frôle, l’image qui susurre le doute, sont des boucliers salvateurs.

 

 

 

 

 

 

* Journal télévisé, conflit Iran/Irak

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